Écouter une carte pan-scalaire

Avez-vous déjà vu des sons ? Ou écouté des couleurs ? Aujourd’hui, je vais ajouter ma pierre à l’édifice de ce mélange sensoriel, en vous expliquant comment il est possible d’écouter une carte pan-scalaire. Et non, il n’est pas nécessaire d’avoir le cerveau des synéstésiques pour suivre : il suffit de posséder des yeux en état de lire ce post et des oreilles je l’espère mélomanes.

En cartographie, il existe un modèle pour représenter une carte pan-scalaire : le ScaleMaster1. L’axe horizontal suit les niveaux de zoom de la carte, et chaque donnée est représentée par une ligne. Lorsque la donnée subit une transformation, la ligne est coupée par un trait et une mention du processus de généralisation appliqué peut être ajoutée juste au-dessus. Maintenant…ce modèle ne vous rappelle pas quelque chose d’autre ? Un modèle très très employé en musique. Une partition d’orchestre. Chaque donnée n’est qu’un instrument qui joue sa propre partie dans un ensemble rythmique cohérent. Nous avons notre porte d’entrée.

ScaleMaster

Mais pour transposer un ScaleMaster en partition, il faut un décodeur. Une association entre les principaux concepts musicaux et cartographiques. Avant toute chose, il nous faut d’abord définir l’unité rythmique. Nous associons donc les temps, ces battements réguliers qui structurent tout morceau aux niveaux de zoom, eux aussi réguliers dans l’espace pan-scalaire. Maintenant, il est possible d’attribuer aux représentations le rythme qui leur correspond. Une représentation qui s’étale sur 1 niveau de zoom pourra être représentée par une noire, quand une représentation qui s’étale sur 4 niveaux sera plutôt représentée par une ronde. Notes Vous le comprenez, il n’est possible ici que d’écrire une partition cartographique rythmique. Par la suite, je prendrai alors des libertés en leur attribuant une mélodie de manière à véritablement capter la mélodie et la structure rythmique de chaque thème.

Écouter Google Maps

Google Maps… cette carte lue par près de 2 milliards d’utilisateurs, comment sonne-t-elle ? Lorsqu’on se penche un peu sur le design de la carte, on se rend compte qu’il existe une assez grande disjonction entre les grandes échelles, dominée par les toponymes, et les moyennes et petites échelles, plus équilibrées par rapport à tous les thèmes. Je dois donc donner aux toponymes le thème principal, accompagné par un thème secondaire assuré par les routes, elles aussi importantes. N’oublions pas que Google Maps possède également Waze, une application de navigation routière : les routes sont un des éléments principaux sur ces cartes. Avant d’attribuer à chaque thème leur mélodie, il faut également réfléchir au choix des instruments :

  • Toponymes = Harpe : En ouvrant Maps, surtout à l’échelle d’une ville, on est assaillé par les points d’intérêt et toute autre indication textuelle, que ce soit les villes ou les noms de rue. C’est un thème qui évolue beaucoup entre demi niveaux de zoom, souvent assuré par des algorithmes de sélection par contraintes de placement. Je dois donc attribuer la mélodie principale à un instrument soliste qui peut jouer très vite, tout en étant harmonieux : la harpe (rip la flûte).
  • Route = Violon : Les routes sont également un des thèmes principaux, avec les toponymes, bien que légèrement derrière. Je dois donc trouver un instrument soliste qui peut assurer un thème, sans toutefois trop se démarquer par rapport à la harpe. Le violon est ici parfait car, bien que souvent soliste, son timbre se mélange très bien dans un orchestre symphonique.
  • Lac = Violoncelle : Assez curieusement, Maps fait beaucoup évoluer ses surfaces hydrographiques : un thème pourtant secondaire. Mais c’est peut-être un des thèmes secondaires les plus importants (que serait Paris sans la Seine ?), ce qui explique que je lui attribue le violoncelle. Instrument d’accompagnement, il est pourtant un des piliers de l’orchestre symphonique, et peut quelquefois accompagner des thèmes plus rapides. Dans les moyennes et petites échelles, il accompagne par exemple le thème des routes.
  • Rivière = Cornet : Maps… ne sait pas généraliser les rivières linéaires. On ne les voit qu’à très grande échelle et ensuite, elles disparaissent pour ne laisser place qu’aux surfaces. Les rivières sont donc un des thèmes “abandonnés” de la carte. J’ai donc pris un instrument plutôt rare dans un orchestre classique : le cornet. C’est aussi un instrument qui fait bien sonner les notes longues : ce qui est le cas ici des rivières, gardées identiques sur 4 niveaux de zooms.
  • Bâti = Hautbois : Par bâti, j’entends plutôt “aire urbaine”. C’est également un des thèmes secondaires qui change peu, ce qui m’oblige à trouver un instrument non-soliste qui tient les notes assez longues : le hautbois. Je pouvais également piocher dans les cuivres mais ces derniers prennent parfois (souvent !) le dessus en terme de timbre, ce qui ne correspond pas trop aux aires urbaines, souvent oubliées ou oubliables.
  • Végétation = Basson : La végétation est le thème secondaire par excellence. Quand il est là, on ne le regarde pas trop, mais quand il disparaît ou n’est pas bien représenté, on ne voit que ça. Il faut donc un instrument non-soliste qui s’entend, sans prendre le dessus sur le thème : le basson.
  • Voie Ferrée = Tuba : Ah… voilà notre deuxième thème abandonné ! Représentées dans un gris très pâle et disparaissant presque aussitôt qu’on les distingue, les voies ferrées appellent un équivalent musical discret. J’ai donc choisi le tuba : ses notes graves se contentent d’accompagner, et leur absence passe inaperçue lorsqu’elles s’éteignent.

Le choix des mélodies s’est ensuite fait en fonction des thèmes principaux et secondaires, souvent accompagnateurs. Voilà donc Google Maps en musique (les niveaux de zoom sont encadrés au-dessus de la partition) :

Écouter le Plan IGN

Composer une carte pan-scalaire

plusieurs manières de blabla

1) La composition polyrythmique

2) La composition soliste

3) La composition homophonique

4) La composition en canon

  1. Brewer, C. and Buttenfield, B. (2007). Framing Guidelines for Multi-Scale Map Design Using Databases at Multiple Resolutions. Cartography and Geographic Information Science. 34:3–15 ↩︎